Wicca: l’ensorcellement du monde

Il serait vain de réduire la sorcellerie à un simple thème fantastique  relayé par la majorité des médias (cinéma, télévision, jeu vidéo, publicité, Internet) qui offrent un nombre impressionnant de productions imaginaires : « Le Seigneur des Anneaux », « Harry Potter », « World of Warcraft », « ma Sorcière bien-aimée », « Charmed », « les Sorcières d’Eastwick », « Wizardry, « Projet Blair Witch », « the Secret Circle », etc… Bien au contraire, ce thème devenu extrêmement populaire est en phase avec un nouveau mouvement religieux fondé par le britannique Gerald Gardner : la Wicca.

 

L’influence ésotérique du mouvement

 

Gardner, simple fonctionnaire passionné d’occultisme, fut initié dans une fraternité rosicrucienne en 1940 et dans une loge de la co-masonry (type d’obédiences anglo-saxonnes maçonniques accueillant hommes et femmes par-delà leur couleur de peau et leur appartenance religieuse). Les milieux rosicruciens et maçonniques que fréquentait Gardner étaient à l’époque fortement influencés par la société de théosophie. Plusieurs membres de ces deux différents milieux constituèrent à partir de 1939 un premier coven (loge sauvage pratiquant des rituels inspirés par la sorcellerie du Moyen-âge dont fit partie Gerald Gardner). Le coven revendiquait la thèse universitaire de l’anthropologue Margaret Murray affirmant qu‘il existait une survivance païenne souterraine au Moyen-âge  que l’on a appelée sorcellerie. Concernant la description des rituels païens des covens médiévaux et de leurs explications historiques, Mircea Eliade rejoint la plupart des chercheurs qui estiment la thèse de Murray truffée d’erreurs simplistes et hasardeuses. Cependant, Eliade reconnaît à l’ouvrage de Murray « The Witch-Cult in Western Europe » publié en 1921 une hypothèse de poids concernant la survivance du paganisme de l’époque médiévale. Ce qui a été stigmatisé comme sorcellerie par l’Inquisition correspond certainement à un culte populaire de la fertilité.

 

Une spiritualité contradictorielle

En 1949, Gardner publie «  Book of shadows » puis en 1951« Witchcraft today » et « The meaning of witchcraft » qui annoncent le fameux terme Wicca qui selon les propos de l’auteur signifient « sagesse » en vieil anglais. Les livres de Gardner révèlent également l’existence de son coven et deviennent une référence majeure dans les années 50 pour les jeunes générations en quête de spiritualité et en marge des religions monothéistes. Gardner contribue ainsi à la naissance de la Wicca et du néo-paganisme ambiant de la société postmoderne. Les adeptes de la Wicca, les wiccans, croient essentiellement en l’existence de deux entités divines : la grande déesse et le dieu cornu qui traduisent deux polarités antinomiques mais complémentaires (l’anima et l’animus selon le psychanalyste Carl Gustav Jung). Leurs croyances païennes s’inscrivent aux origines de l’humanité c’est-à-dire bien avant la naissance du Christ. Tout comme les animistes, ils ressentent une complicité manifeste avec la nature et les éléments. Les wiccans rejettent tout conformisme et tout dogmatisme et pensent que les hommes et les dieux sont égaux sur un certain plan ontologique. En un sens, le sacré est pour eux en toute chose. Ils s’inscrivent dans une sorte de spiritualité contradictorielle qui accepte la « conjonction des opposés ». Quant à leur credo, il est le suivant : « Fais ce qu’il te plaît tant que cela ne nuit à personne ». Chaque wiccan possède sa propre spiritualité, sa propre préférence mythologique. Pour la plupart, ils sont ouverts à un vaste panthéon : Dionysos, Osiris, Isis, Odin, Shiva, Toutatis, etc…. De même, il existe une pluralité des pratiques rituéliques. Chaque coven demeure libre dans l’organisation de ses cérémonies qui peuvent avoir lieu en plein air ou tout simplement dans un appartement. Il y a par contre une symbolique assez récurrente : pentacles, bougies, symboles des quatre éléments, etc… Le calendrier des fêtes, des esbats et des sabbats est quant à lui respecté à la lettre, qu’il s’agisse du Samhain (jour consacré aux morts), du Yule (sabbat qui a lieu généralement vers le 21 Décembre et qui célèbre la renaissance après la mort du passé) ou encore le Litha (équivalent de la fête de la Saint Jean). On trouve au sein de la Wicca de nombreux courants (gardnerianisme, alexandrianisme, tradition dianique, Pictish Wicca, church oh Wicca, celtic Wicca, Wicca luciférienne, clan Tubal Caïn). Mais c’est essentiellement Internet qui permet aujourd’hui aux wiccans une connexion permanente avec leurs croyances païennes dans la discrétion et le respect. Ceci car les wiccans n’aiment le prosélytisme et préfèrent rester à l’ombre des institutions surplombantes pour se protéger du « qu’en dira-t-on ? » et pour assurer leur progression initiatique.

 

Ensorcellement et réenchantement initiatique du monde

 

On l’aura compris, la Wicca est avant tout un mouvement syncrétique qui conjugue mythologies et conceptions païennes du monde. L’invocation des êtres mythiques par des rituels magico-religieux ne répond-elle pas au désir de reliance initiatique que tout un chacun éprouve face aux nombreux désordres politiques, économiques et technocratiques de notre monde désenchanté.

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