L’imaginaire thanatique dans la culture metal

Au-delà des préjugés nauséabonds qui pullulent dans les sphères médiatiques et politiques, il est des courants imaginaires qui inondent l’ensemble de la vie sociale et structurent les consciences individuelles et collectives pour le meilleur et pour le pire. Il demeure alors peu prospectif de penser que les critères économiques sont seuls à pouvoir expliquer la manière dont l’homme se perçoit et se construit. Par ailleurs, il s’agit moins d’expliquer que de comprendre les différents phénomènes « anomiques » de notre époque qui pourraient nous rendre attentifs aux trop nombreuses négligences et ratages de nos institutions surplombantes. La culture metal ne fait pas exception dans la mesure où elle a su réhabiliter un imaginaire thanatique que la religion judéo-chrétienne et la science moderne avaient cru bon d’éliminer. Dans une société occidentale qui croit en l’homogénéisation totale de la vie sociale et qui par conséquent rejette tout élément hétérogène tel que l’imaginaire, le ludique, le chaos, le sacré, nous ne pouvons qu’être interpellé par l’engouement suscité pour le metal et sa réappropriation symbolique de la mort. Il ne nous revient pas de juger ou de condamner un tel phénomène « anomique » mais culturel quoiqu’il en soit, mais plutôt de comprendre pourquoi l’imaginaire thanatique cristallise autant de passions. Cela traduit-il simplement un goût prononcé pour le morbide ou s’agit-il plutôt d’un besoin impérieux d’errance initiatique, d’un besoin anthropologique fortement ancré chez l’homo sapiens et qui consiste à affronter la vérité de la mort et ce afin de redonner un sens plus authentique à l’existence.

 

La disparition des rites initiatiques (Eliade) dans la civilisation occidentale ne va pas sans un certain effondrement des rapports humains, un « désenchantement du monde » (Weber). C’est probablement cette disparition ainsi que la mort de Dieu — ou plutôt l’ignorance des dieux nous dirait Gilbert Durand — et la désacralisation progressive de l’univers social de l’homme qui ont permis l’essor de l’individualisme et du libéralisme. En supprimant les mythes, les symboles et les rites d’antique mémoire constitutifs de l’homo sapiens, la modernité a voulu imposer le modèle d’un homme rationnel, économique et historique qui nie définitivement la mort, la rejette, l’exclue, la méprise et finalement la relègue à sa dimension stricto sensu biologique. La mort est perçue comme un simple processus de décomposition qui fait parti de la logique scientifique du vivant. Elle s’est donc foncièrement banalisée jusqu’à de venir inexistante aux yeux de l’homme moderne. Heidegger parle à juste titre d’une esquive de la mort. « La dissimulation destinée à esquiver la mort exerce sur la quotidienneté une domination si pointilleuse que, dans l’être-en-compagnie, les « proches » font justement encore souvent croire au « mourant » qu’il va échapper à la mort et retrouver sans tarder la tranquille quotidienneté de son monde en préoccupation ». Le sujet moderne se pose comme un être immortel et invincible qui ne se sent plus touché par la mort pensant l’avoir dépassé par sa maîtrise technique et scientifique de la nature. Refusant de s’ouvrir à l’angoisse de mort, l’homme occidental soi-disant « civilisé » évite de poser les conditions ontologiques de son propre anéantissement et s’élève d’emblée comme un démiurge tout puissant ignorant tout sentiment de peur à l’encontre de l’inconnu. Entendons-nous bien, l’homme moderne ne veut pas croire en sa propre finitude persuadé qu’il maîtrise l’univers de par son esprit rationnel. Et pourtant, la mort est la chose universelle la mieux partagée au monde. Dans une société occidentale qui ne semble plus préoccuper par la mort, il est alors bien étonnant d’observer l’attitude des metalleux qui n’hésite pas à revendiquer le caractère désuet et tragique de leur propre existence et à oser aborder la question de la mort qui n’est plus pour eux un tabou. La culture metal développe toute une rêverie thanatique qui encourage le metalleux à questionner son rapport à la mort, à affronter cette dernière et puis à l’accepter.

 

La popularité grandissante du Heavy Metal, surtout à partir des années 80 va interpeller les pouvoirs publics et certains groupuscules religieux jugeant cette culture musicale de nouveau fléau social. S’ensuit des poursuites judiciaires à l’encontre de certains artistes dont le principal chef d’accusation est l’incitation au suicide et au meurtre chez les jeunes. Cela n’est pas sans rappeler le procès de Socrate qui fût injustement condamné à mort par la démocratie athénienne pour avoir corrompu la jeunesse. L’ignorance des pouvoirs publics conduit malheureusement à de trop nombreuses confusions notamment entre la culture metal et le satanisme. Un certain ethnocentrisme tend à vouloir dédaigner et stigmatiser la culture metal sans prendre la peine d’en comprendre le sens. Mais cet ethnocentrisme n’est pas un fait nouveau. L’histoire n’est pas avare d’évènements témoignant le mépris des idéologies dominantes à l’égard de certains mouvements culturels tels que le jazz ou le rock par exemple. L’animosité ambiante de ces idéologies n’évoque pas seulement une sorte de misonéisme latent, mais traduit également un double échec : l’incapacité de contrôler les individus, de les soumettre aux lois régissant la société, et l’indifférence accordée aux besoins éthiques — et non pas morales —  de tout un chacun.

 

La culture Metal apparaît dès lors comme un lieu de transgression où la reliance sociale redevient effective puisqu’à  la différence des dispositifs idéologiques de la société moderne qui délie et cloisonne, elle rétablit une « logique contradictorielle » qui relie les opposés et fait la part belle aux forces hétérogènes (gratuité de la consumation, ivresse du son, choc des sens, etc…). Mais c’est aussi et surtout la mort qui est réhabilité en tant que structure symbolique significative.   

 

Repérer le « roi clandestin d’une époque » (Simmel) et comprendre la manière dont il alimente la vie sociale est précisément la tâche que s’est assignée la sociologie de l’imaginaire. Suivant les œuvres respectives de Jung et d’Hillman, la sociologie de l’imaginaire cherche à repérer les dieux, les mythes et autres archétypes qui sont à l’oeuvre dans une société et qui déterminent tout un ensemble de rituels et de comportements sociaux. L’idée directrice de cette sociologie consiste à penser que l’homme se construit socialement à partir d’images archétypales et non simplement à partir d’un capital économique. Pour Gilbert Durand, les sciences sociales doivent s’accorder en quelque sorte sur la physique quantique qui a su opérée une véritable révolution épistémologique. Prenons l’exemple d’une théorie physique telle que le principe d’incertitude d’Heisenberg qui stipule que l’on ne peut connaître simultanément la position et la vitesse d’une particule. En fait, le principe d’incertitude d’Heisenberg nous permet de dépasser les préjugés sociologiques habituels qui sont encore obsédés par les mêmes fondations épistémologiques de la physique classique à savoir le principe de tiers d’exclu d’Aristote qui dit qu’ « une chose ne peut pas à la fois être et ne pas être » ou qu’ « une porte est soit ouverte soit fermée ». Avec Heisenberg, on peut concevoir un objet quantique qui serait en quelque sorte à plusieurs endroits en même temps. Cela n’est pas sans rappeler justement Héraclite qui disait qu’un « escalier qui monte et un escalier qui descend sont une et même chose ». Aujourd’hui, il semble intéressant d’essayer de comprendre les relations sociales sous le prisme de la physique quantique. De fait, un individu n’est pas limité à une seule position qu’elle soit économique ou sociale, mais se situe précisément à plusieurs endroits en même temps. Car il est finalement bien réducteur de penser que le « tout économique » soit la seule mesure valable de l’homme. L’appartenance sociale et professionnelle, le capital économique ne sont pas en capacité de nous aider à comprendre le sens qu’un individu attribue à son existence. De fait, le metalleux est plus qu’un simple consommateur ou acteur économique, il participe à un ensemble culturel beaucoup plus vaste de ce que les idéologies politiques définissent et se place au cœur des rêveries sociales les plus fantasques et les plus terrifiantes, rêveries qui échappent à l’analyste économique mais tout à fait compréhensibles pour un sociologue qui a pris la mesure des avancées de la physique quantique.

 

On pourrait spéculer indéfiniment sur l’origine du metal. Peu importe le débat sur le premier groupe musical ayant donné l’impulsion, retenons juste le fait que le metal surgit au cœur des années 70 à travers des groupes anglais comme Led Zeppelin ou Black Sabbath. A l’instar du rock, le metal qui reprend la même configuration instrumentale traduit un style musical décliné en plusieurs genres et sous-genres : death metal, black metal, trash metal, heavy metal, gothic metal, folk metal, metal industriel, etc…Musicalement parlant, la spécificité du style metal provient essentiellement de sa rythmique puissante et de l’insistance des sons saturés à la saveur diabolique. Bien évidemment, les différents genres et sous-genres du metal définissent des sensibilités musicales variées. Mais il demeure toujours le même « bassin sémantique », et c’est bien ce dernier qui définit le metal tant sur le plan musical que social. Tout un imaginaire thanatique est ainsi formulé à travers le son des guitares, les textes, les signes de reconnaissance et autres blasons.

 

Pour mieux comprendre la place de Thanatos dans la culture metal, il nous paraît judicieux de revenir sur l’apport fondamental de Black Sabbath. Si on désigne effectivement ce groupe comme l’un des pionniers du metal, c’est surtout grâce au guitariste Tony iommi et à son utilisation du triton, intervalle de trois tons qui donne un son résolumment « satanique», sans oublier les performances vocales chargées d’angoisse de son chanteur Ozzy Ousbourne. Black Sabbath a su ainsi redonner ses lettres de noblesse au triton et faire resurgir la figure archétypale du diable sur la scène. Pour autant, le metal n’a rien avoir ni avec le satanisme traditionnel, courant religieux dont le dogme repose sur une adoration de Satan comme porteur de lumière, ni avec le satanisme LaVeyen qui est davantage une doctrine philosophique fondée sur l’idée d’un refus radical de tout dogme religieux et ce dans le but de favoriser une totale liberté des hommes. Là où le satanisme traditionnel voit en Satan un Dieu à vénérer, le satanisme LaVeyen s’appuie plutôt sur une éthique du mal pour légitimer la divinisation l’ego individuel. Le satanisme LaVeyen fait l’apologie de l’individualisme extrême et prône la croyance absolue au « tout est permis » : affirmer ses désirs et ses envies, ne suivre aucune règle, aucun dogme, voilà ce qu’enseigne la doctrine d’Anton Szandor LaVey. La culture metal se situe aux antipodes du satanisme. Ni dogme religieux ni doctrine philosophique, le metal est davantage un style musical fondé sur le besoin d’intégrer culturellement la « part du diable » (Maffesoli), la « part maudite » (Bataille) sur scène. Il s’agit en quelque sorte d’un projet mythologique ambitionnant de rendre plus visible la dimension tragique de l’existence humaine, non pour aboutir à une vision pessimiste mais pour provoquer un sursaut existentiel, un élan vital, une « soif de l’infini » (Durkheim). En cela, le metal est à rapprocher du « théâtre de la cruauté » d’Antonin Artaud qui souhaitait dépasser la conception aristotélicienne de l’art dramatique en reliant la culture et la vie. Réunir spectateurs et acteurs et surtout réintégrer la mort dans le spectacle à la manière des rites chamaniques.

 

Le metal joue avec le mal ou plutôt avec la mort et provoque ainsi une confrontation directe avec cette dernière. Frôler la mort pour se sentir mieux exister, se consumer pour exciter son désir de vivre, s’abandonner et se déraciner pour mieux s’enraciner à nouveau. Voilà ce que nous enseigne tout rite initiatique qui traduit généralement une «mutation ontologique du régime existentiel » (Eliade) par un affrontement symbolique et physique avec la mort. L’objectif consiste à dépasser le sentiment d’anéantissement et à stimuler l’imagination symbolique pour concevoir la mort autrement, c’est-à-dire comme une renaissance. L’imaginaire thanatique véhiculé par le metal possède donc une fonction résiliente qui permet à tout à chacun d’apprivoiser la mort en quelque sorte, de ne plus en être la victime que ce soit dans l’angoisse ou dans l’esquive. Car on oublie souvent que l’angoisse de la finitude est la source de la majorité de nos maux qu’ils soient psychologiques ou sociales et mêmes chez le sujet moderne qui vante son mépris de la mort. Certes, la modernité a érigé une conception utilitariste et rationnelle du monde où la mort est esquivée. L’homme moderne agit comme un être individuel immortel et tout puissant, « maître et possesseur de la nature ». Cependant, en se centrant d’une manière obsessionnelle sur lui-même, en cherchant sans cesse à se diviniser, il a fini par refouler ses peurs et ses sentiments, à se voiler la face, à demeure un homme « incomplet ». De tels refoulements ne peuvent qu’aboutir à des tragédies bien plus terribles que celles évoquées dans les mythes. « La modernité est un exemple flagrant de civilisations qui ayant voulu faire l’économie de la douleur, ont évacué l’ombre, et vu proliférer de ce fait carnages et génocides tandis que dans le même temps elles étaient gagnées par un manque d’intensité existentiel ».

 

L’évocation du diable dans la musique metal possède avant toute chose une résonance initiatique. Car toute renaissance implique de surcroît une traversée de l’enfer. Insistons bien sur le fait que la musique metal ne prône en aucun cas l’admiration de Satan ni la divinisation de l’ego, mais qu’elle reconnaît la valeur initiatique de l’enfer. En ce sens, il n’est jamais question dans la culture metal de faire de l’enfer ou de la mort une finalité mais bien un obstacle à dépasser. Implicitement, une telle musique favorise la reconstruction de la totalité psychique des hommes (principe d’individuation chez Jung) par la réintégration symbolique de Thanatos et ce afin de leur offrir les moyens de ressaisir un sens plus authentique à la vie sociale. Nombreux sont justement les groupes qui questionnent cette quête initiatique du Soi et qui invitent à penser d’autres possibles à l’instar d’Iron Maiden et de son titre « Isle of Avalon » : « through the western isle / I hear the dead awaken / Rising slowly to the call Avalon ».

 

Le metal ne cherche absolument pas à conforter les hommes dans un nihilisme passif ou dans une vision pessimiste du monde. A la limite, on peut lui attribuer une proximité avec un nihilisme actif tel que l’entendait Nietzsche, c’est-à-dire, le recours au néant en vue de dépasser et de ruiner les valeurs dominantes d’une société et ce afin de laisser place à de nouveaux cieux. En un sens, la musique metal chante l’effondrement des valeurs dominantes qui freinent tout accomplissement de soi-même et le retour des mythes dans une société moderne qui s’est voulu très démythisante.

 

La réappropriation symbolique de la mort dans la culture metal ouvre donc une résonance initiatique qui offre au metalleux la possibilité de réinterroger son rapport à la mort et peut-être même de trouver un moyen de l’apprivoiser, d’en faire une alliée, une force de vivre. La modernité a outrageusement occulté l’aspect tragique de la mort, en a fait un sujet tabou et l’a éjecté des foyers (on a de moins en moins le privilège de mourir chez soi) pour le cantonner au milieu hospitalier. De plus, les enterrements laïques dévoilent l’absence flagrante des rites mortuaires. Autant le dire, nous ne savons plus enterrer nos morts et leur rendre hommage. « Un peu de musique, un discours d’amitié, des roses jetées dans la fosse sur le cercueil essaient tant bien que mal de combler le vide et l’horreur ». La mort a été refoulée dans la civilisation occidentale ainsi que tout le symbolisme l’accompagnant. On pourrait ainsi comprendre l’imaginaire thanatique dans la culture metal comme un retour du refoulé. En réapprenant le sentiment tragique de l’existence, le metalleux peut alors faire tomber les masques et autres barrières sociales. Toute confrontation objective avec la mort ramène la personne vers l’essentiel dans sa vie dans la mesure où elle s’abandonne au vertige qu’elle sous-entend. Tout rite initiatique est une chute dans les ténèbres. Le récipiendaire doit toujours mourir à son existence profane. Au sujet de l’initiation, Mircea Eliade nous rappelle que « le passage du monde profane au monde sacré implique d’une manière ou d’une autre l’expérience de la Mort : on meurt à une certaine existence pour accéder à une autre ». On aurait donc tort de voir à travers la culture Metal un nihilisme passif qui exhorterait le metalleux à renoncer à la vie.

 

Rappelons que pour l’anthropologue Gilbert Durand tout imaginaire procède d’un élan vital devant la conscience objective de la mort. Pour faire face à l’horreur, l’homme produit des symboles, euphémise la mort pour la rendre plus acceptable, pour transfigurer en quelque sorte l’inconnu et l’indicible qu’elle renferme. Ainsi, s’ouvrir à l’angoisse de la finitude active l’imagination symbolique, insuffle un sursaut existentiel. « Lutte contre la pourriture, exorcisme de la mort et de la décomposition temporelle telle nous apparaît bien, dans son ensemble, la fonction euphémique de l’imagination ». En euphémisant la mort, l’homme se donne les moyens symboliques de l’affronter (structures schizomorphes qui englobent les symboles rappelant le principe de coupure tel que l’épée), de la minimaliser (structures mystiques fondées sur le principe de confusion et évoquant les symboles protecteurs du ventre maternel, du cocon ou de la maison) ou encore de l’intégrer harmonieusement dans sa vie, d’en faire une fidèle compagne (structures synthétiques qui rassemblent les symboles contradictoriels tels le yin et le yang et reposant sur une logique des antagonismes). Dans tous les cas, habits noirs, cheveux longs, corpse paint, headbang, mosh, signe des cornes, pentagramme sont autant d’éléments qui renforcent la présence de Thanatos dans la culture metal. Ajoutons également à cela les textes et les noms évocateurs de nombreux groupes : Dark Funeral, Cannibal Corpse, Devildriver, Rob Zombie, Sepultura, Anthrax, Overkill, Death Angel, etc…L’usage du grunt, technique vocale permettant de donner à sa voix un timbre sépulcral renvoie quant à lui au symbolisme thériomorphe selon les structures anthropologiques de l’imaginaire de Gilbert Durand. Il faut savoir que l’anthropologie de l’imaginaire développé par Gilbert Durand à partir des années 60 révèle une nouvelle approche méthodologique et épistémologique des images, mythes et symboles, qui a su s’imposer à côté des travaux de Claude Lévi-Strauss ou de Roland Barthes.

 

Dans les « structures anthropologiques de l’imaginaire », Gilbert Durand élabore une classification pertinente des images archétypales fondamentales qui ont servi de matrices aux sociétés humaines mais également aux différentes œuvres culturelles et artistiques crées par l’homme. Il en vient ainsi à rappeler que, de toutes les images, ce sont les images animales qui restent les plus familières aux hommes. Le bestiaire animal est plutôt bien installé dans nos rêveries et dans nos cultures, et l’ethnologie n’a pas manqué de relever l’importance de l’universalité des symboles thériomorphes (qui a la forme d’une bête) à partir des nombreux travaux sur le totémisme.  Gilbert Durand remarque dans un premier temps que les images thériomorphes évoquent bien souvent des qualités qui ne sont pas explicitement liées à l’animalité. Ainsi, ce qui fait la spécificité du symbole thériomorphe, ce n’est pas l’animal qu’il incarne en tant que tel, mais l’action inhérente qu’il provoque. La dynamique de l’imagination thériomorphe repose essentiellement sur les mouvements de l’animal, comme par exemple la morsure du serpent ou encore sa capacité à changer de peau. Ainsi, le symbole du serpent, un des symboles les plus complexes, est dans de nombreuses cultures associé directement à la mort. Le serpent qui se mord la queue traduit la dialectique de la vie et de la mort. C’est en ce sens que l’on prête au venin du serpent certaines vertus thérapeutiques : le venin est donc à la fois poison mortel et élixir de vie. Les symboles thériomorphes de la mort sont nombreux, et nous pouvons déjà en repérer certains comme le lion, le loup, le taureau ou encore le cheval. Au sujet de ce dernier, il est souvent dit d’après le folklore germanique que rêver d’un cheval est signe annonciateur d’un décès. Ces symboles thériomorphes inspirent bel et bien la terreur devant la mort dévorante. Mythes, contes et légendes ont sans cesse réactualisé un tel symbolisme animal pour précisément intégrer le thème de la mort, qu’il s’agisse du « grand méchant loup », du « minotaure », du « léviathan », etc. On le voit bien la musique metal s’est aussi réapproprié un tel symbolisme thériomorphe.

 

Sans aller plus loin, il nous importe surtout de retenir l’idée que la culture metal jaillit comme un espace ouvert où peuvent resurgir librement les mythes et les symboles qui avaient été refoulés par la modernité. « Sous couvert du vieux monisme de l’Occident, les dieux ignorés réinvestissent fanatiquement les passions et les pulsions du grand « primate carnassier » dans l’attitude politique et sociale ». Thanatos reprend ainsi ses droits au même titre que Dionysos et invitent les hommes à repenser le monde autrement à partir d’un nouvel imaginaire initiatique.

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